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     Trois heures passèrent et ce fut lui qui s'éveilla en premier. Il passa machinalement sa main sur son front, prit une profonde inspiration, ouvrit les yeux et aperçut une masse de cheveux blonds qui reposaient sur son torse. Il sourit.

     "Je dois rêver...", se dit-il. Il regarda les alentours, reconnut l'intérieur de la cabane et il se rendit compte qu'il n'était plus dans le petit bois. Il fronça les sourcils en tentant de se souvenir comment il avait rejoint l'abri, mais c'était le trou noir. De toute façon, il s'en moquait … Elle était là, il pouvait sentir sa respiration, les battements de son cœur, la chaleur de son contact. Il n'osait plus bouger car il voulait pleinement savourer ce moment privilégié. Peu importait à présent vers qui les pensées d'Oscar se dirigeaient, son corps, lui, était bien présent.

      André avait du mal à empêcher ses bras de caresser la chevelure blonde rebelle, de serrer tout contre lui le corps offert de son amie. Il ne voulait pas profiter d'elle à son insu, il ne voulait pas qu'elle apprenne ainsi ce qu'il ressentait pour elle. Finalement, à regrets, il décida de réveiller Oscar en faisant semblant d'avoir une quinte de toux.

     Oscar leva la tête, s'appuya sur ses coudes et se redressa légèrement pour regarder son ami. "Vivant, il était vivant !" pensa-t-elle. A cette idée, un sourire lumineux éclaira son visage.

 - "Tu m'as vraiment fait peur cette fois, ne recommence jamais ! , lui dit-elle avec un regard qui se voulait menaçant.

 - Franchement, je crois que je préfère affronter une tempête plutôt que ta colère ! , lui répondit-il en plaisantant.

 - Mais pourquoi diable es-tu ressorti ?

 - J'ai cru entendre les chevaux, mentit-il.

 - Décidément, tu aimes tellement ces animaux que tu es prêt à y laisser ta santé.

 - Je préfère les chevaux aux hommes, ils sont toujours sincères, ils ne cachent jamais rien…"

     Il la regarda sérieusement dans les yeux. Leurs visages pouvaient presque se toucher. Elle était toujours au-dessus de lui et son visage radieux éclairait la pièce. Il baissa son regard le long de son cou, de ses épaules, vers sa chemise entre ouverte qui montrait plus qu'il n'aurait fallu. André essayait de contrôler ses pulsions, mais plus il la regardait, plus il avait envie de la tenir contre lui, de l'embrasser …

     Finalement, il succomba à la tentation. Il saisit les épaules d'Oscar et attira son visage vers le sien. Doucement, il déposa un tendre baiser sur ses lèvres, puis il cessa de respirer en attendant la réaction d'Oscar. Celle-ci ne se fit pas attendre… Oscar se releva d'un bond, le feu aux joues et le regarda interdite.

 - "Mais qu'est-ce qu'il t'a pris de faire ça, André ?

 - C'était plus fort que moi, il a fallu que je t'embrasse Oscar. Te voir ainsi, si belle, si près de moi et pourtant toujours si distante, c'est devenu insupportable… Il faut que tu saches que je t'aime, Oscar. Je t'aime depuis le premier jour où je t'ai rencontré."

     Oscar demeura silencieuse, paniquée. Elle ne savait vraiment plus quoi faire, elle n'avait jamais été confrontée à une telle situation : son André, son ami de toujours l'aimait, elle, le colonel de la garde royale… Elle n'avait pas le droit d'aimer, et pourtant, elle avait déjà ressenti de tels sentiments face à Fersen. Elle avait de l'attirance pour le beau suédois et elle savait bien au fond d'elle-même que jamais il ne pourrait y répondre. Cet amour à sens unique ne la confrontait pas à sa réalité de femme, elle pouvait donc s'y jeter à corps perdu.

     Maintenant, c'était différent car elle avait senti au plus profond de son cœur l'importance d'André. Elle se rendait compte que ce qu'elle éprouvait pour Fersen n'était qu'un leurre, il masquait son amour pour André. Oui, Oscar l'aimait et la peur de le perdre à cause d'une mauvaise fièvre avait fait resurgir cette évidence. Elle l'aimait … Depuis longtemps, elle avait eu peur de cet amour et l'avait refoulé. De toute façon, pendant un temps, seule sa carrière la préoccupait et le fait de vivre comme un garçon lui plaisait énormément et avait certains avantages. Elle était plus libre que la majorité des femmes de la cour, mais cela avait aussi des inconvénients. Jamais, elle s'était comportée comme une femme, jamais … jusqu'à ce baiser avec l'homme qu'elle aime. Elle avait terriblement peur.

     Le visage d'Oscar trahissait les nombreuses émotions qu'elle ressentait. André restait silencieux, attendant désespérément une parole, un geste de son ami. Déjà, il regrettait ses gestes, ses paroles… il avait peur de l'avoir perdue à jamais. Il se prépara à s'excuser et à tout faire pour oublier ses sentiments…

     Oscar se rapprocha d'André lentement, replaça ses cheveux rebelles pour se donner de l'assurance et gagner du temps, s'agenouilla près de lui et prit une profonde inspiration.

 - "André, jamais je n'aurai pensé que tu pourrais avoir de tels sentiments pour moi, dit-elle en évitant son regard, je dois t'avouer que pour la première fois de ma vie, je ne sais plus quoi faire… Je suis un soldat et…

 - Non, coupa André, tu es une femme habillée en soldat, tu agis comme tel, tu as été élevée ainsi mais … tu es aussi la plus belle femme de la cour !

 - Peut être que la nature m'a faite femme, mais je me suis toujours comportée en homme et un homme ne peut pas … en aimer un autre.

 - Alors… tu éprouverais donc quelque chose pour moi ? , espéra André en se redressant légèrement sur ses coudes.

 - Je … je …"

     Oscar luttait désespérément contre sa peur. Elle retardait au maximum sa réponse car elle savait que celle-ci risquait de bouleverser le cours de son existence. Pourtant elle savait que cette attente faisait souffrir inutilement André…

     Soudain, alors qu'elle avait enfin trouvé le courage d'exprimer ses sentiments, la porte s'ouvrit brusquement et un vieux berger entra dans la cabane. Aussitôt, Oscar se releva, gênée par l'étrange tableau qu'ils offraient à sa vue et vint à la rencontre de l'homme.

 - "B'jour messieurs, ben j'vois que vous avez utilisé l'abri pour vous protéger de l'orage d'la nuit dernière.

 - En effet, mon brave, et il nous a bien été utile, répondit Oscar, soulagée tout de même de cette arrivée impromptue.

 - C'est pas que j'veux vous chasser d'là, mais c'est l'heure de ma pause avant l'départ alors …

 - Nous comprenons… André, peux-tu te lever ?

 - Mmm… cela reste encore dans l'ordre du possible, répondit-il ironiquement.

     Il joignit le geste à la parole et commença par s'asseoir. Il se frotta la nuque et chercha sa chemise. Il la défroissa et s'aperçut qu'elle était déchirée, Oscar s'en était servie pour lui faire un bandage à sa main. Il la mit malgré tout et s'appuya contre le banc pour se relever. Ce n'était pas la grande forme mais il tenait au moins encore debout ! En se penchant pour attraper sa veste restée à terre, il toussa violemment et dut s'asseoir sur le banc en attendant que la toux se calme.

 - "André ! , cria Oscar en se précipitant vers lui.

 - Non, ce n'est rien Oscar, répondit-il en s'étranglant à nouveau.

 - Il ne faut pas rester ici … Arras n'est plus qu'à 3 heures de route. Là-bas, tu seras au chaud et bien soigné. Allons-y, maintenant ! ordonna-t-elle.

 - Oui, mon colonel…. à vos ordres…. reprit André en souriant faiblement.

 - Reste là pendant que je prépare les chevaux."

     Le berger s'écarta pour laisser sortir Oscar. Elle ne tarda pas à revenir et ils se mirent en route.

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