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     6 mois…cela faisait déjà 6 mois que Fersen était parti…

     Se rendant compte qu'elle commençait à éprouver plus que de l'amitié pour lui, Oscar s'était jetée à corps perdu dans son travail. Elle ne vivait plus que pour servir sa reine, les entraînements, les parades, les inspections surprises… Elle se levait aux aurores et rentrait tard dans la soirée. Ses seules distractions restaient le clavecin et les combats d'épée avec André.

     Quant à lui, il restait là, impuissant face à tant de détermination. Oscar tentait bien de ne rien laisser transparaître de ses émotions, mais son regard parfois la trahissait. Elle ne voulait pas de ces nouvelles sensations qui laissaient remonter à la surface sa vraie nature de femme. De surcroît, elle avait aussi l'impression de trahir sa reine en aimant le même homme qu'elle.

     De temps en temps, ses yeux émeraude fixaient mélancoliquement l'horizon et, à ces moments précis, André sentait son sœur se serrer un peu plus. Il ne supportait plus de la voir dans cet état. Il avait bien sentit des changements dans son attitude et se doutait bien que Fersen n'y était pas étranger. Cependant, il était persuadé que tout cela allait s'estomper et qu'avec de la chance, ils ne reverraient jamais le gentilhomme suédois.

     A ce rythme-là, Oscar ne tarda pas à montrer des signes de fatigue et de surmenage. Après de longues discussions, grand-mère et André finirent par la convaincre d'aller passer quelques jours en Normandie, dans le domaine familial.

     Ils partirent donc, de bon matin, chercher le calme et le repos. Mais surtout, André voulait qu'elle se change les idées et oublie ce poseur. Ils décidèrent de faire une halte à mi-chemin, dans un petit bois, tout près d'un cours d'eau. André laissa les chevaux s'y désaltérer.

 - "Oscar, je crois que ces jours de repos vont nous faire le plus grand bien ! Je commençais vraiment à ne plus supporter Versailles et ton régiment.

 - André, s'il te plaît. Tu sais très bien que c'est à cause de grand-mère que je suis là. En tout cas, ce n'est pas une raison pour arrêter l'entraînement, cria-t-elle en dégainant son épée en souriant.

 - Très bien, alors, en garde, Colonel !"

     Les vestes tombèrent et les lames se croisèrent en un bruit familier. Le duel s'engagea, les parades, les combinaisons, les feintes et les bottes cent fois travaillés s'enchaînaient à un rythme endiablé. Le choc créé par les épées résonnait dans la clairière. Avec cette chaleur étouffante de juillet et les efforts répétés, la sueur perla lentement sur le front d'André, et sa chemise commença à coller dans son dos. Ses gestes devinrent moins assurés.

     Comme toujours, Oscar y mettait le meilleur d'elle-même et André sentit les premiers signes de fatigue arrivés. Il décida de changer de technique de combat avant qu'Oscar ne constate son relâchement.

 - "Ce duel me fait penser à ce fameux bal, tu sais, celui qui a précédé au départ de Fersen. Tu n'avais dansé qu'avec la reine toute la soirée… tu dansais avec la même passion, le même acharnement que tu combats maintenant.

 - Je n'avais pas le choix, il fallait que les racontars au sujet de la reine et de Fersen cessent.

 - Mais dis-moi, as-tu dansé avec la reine pour faire taire ces bruits ou pour que Fersen ne puisse pas l'approcher ?

 - Cela suffit, André !", ses yeux lancèrent des éclairs alors que son énergie redoubla.

     "Touché !", pensa André en même temps qu'Oscar s'élançait fougueusement vers lui, dans l'espoir de le surprendre en lui portant l'estocade finale. Mais, dans sa précipitation, elle trébucha contre une racine. Elle tenta bien de se rattraper mais, emportée par son élan, elle tomba contre André… et ils chutèrent tous les deux.

     Sous le choc, André eut le souffle coupé et il se retrouva littéralement assommé. La fatigue aidant, il sombra peu à peu dans les bras de Morphée. Oscar, quant à elle, roula un peu plus loin et resta allongée, les bras en croix. Elle fixait le ciel lourd, maudissant cette racine qui l'avait blessée dans son orgueil, cette clairière, cette journée, ce Fersen…. Puis, la fatigue l'emporta.

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