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     Le clairon de la compagnie ramena Oscar à la réalité de sa fonction : il était temps de passer les troupes en revue ! Elle prit congé de la reine, rejoignit André qui se tenait en retrait et partit vers la caserne.

     Oscar commença son inspection, puis décida de faire des manœuvres à cheval. Secondée par Girodel, elle répéta quelques parades d'apparat puis décida qu'il était temps de s'entraîner sérieusement au combat. Elle fit mettre les hommes par paires, chargea André de s'occuper des chevaux et commença à les observer se battre en pensant à la discussion qu'elle avait eue. Elle avait été surprise par la demande de Marie-Antoinette. Elle sentait au plus profond d'elle-même que la reine avait besoin d'elle mais elle avait du mal à adhérer à cette folie. Cependant, elle se doutait bien que sa majesté était déterminée et que son escapade aurait lieu, avec ou sans le colonel de la garde…

 - "Oscar, cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas mesurés ! , lança le comte.

 - Ainsi, vous voulez encore vous faire battre ! , répondit Oscar d'un ton désabusé. Très bien allons-y alors !

 - J'aimerai que cela se passe loin des soldats, j'ai quelques nouvelles bottes que j'aimerai tenter sur vous.

 - D'accord, allons vers le canal."

     Arrivés devant celui-ci, les deux soldats se mirent en garde et l'assaut débuta. Malgré ce qu'il avait annoncé, les bottes de Girodel n'eurent pas l'effet escompté. Oscar les para avec une facilité enfantine et finit par désarmer son adversaire. Elle ne put s'empêcher de se moquer de lui, avec toute la fougue de sa jeunesse.

 - "Eh bien, monsieur ! Vos fameuses bottes ne semblent guère reluisantes ! , ironisa-t-elle. Depuis ma première victoire, il y a près de 7 ans, vous n'avez jamais réussi à m'atteindre. Peut être est-ce à cause de votre chevelure que vous portez comme une femme. Elle gêne considérablement vos mouvements, peut être devriez-vous faire un chignon ?"

     En voyant le visage de Victor Clément se décomposer, Oscar se rendit compte qu'elle avait été trop loin. Elle s'était laissé emporté par l'autosatisfaction et la griserie d'une victoire trop facile. Cela ne lui ressemblait pas d'être si méchante et blessante.

     Une étincelle brûla au fond des yeux du jeune homme, il fixait Oscar d'une façon curieuse. On sentait qu'il bouillait intérieurement et qu'il tentait de maîtriser ses émotions. Lentement, il prit l'épée qu'Oscar avait mise à terre, attrapa ses cheveux et les trancha net. Maintenant, ils tombaient au niveau des épaules. Puis il délassa sa chemise et, avec le cordon, noua ses cheveux cendrés.

 - "Voyons maintenant de nous deux qui est une faible femme ! Vous allez enfin voir de quoi je suis capable !", lança-t-il d'un air combatif.

     Il attaqua rapidement Oscar avec une fougue qu'elle ne lui avait encore jamais vu. Elle avait maintenant en face d'elle un adversaire puissant, rapide et redoutable. Le combat devenait très serré, aucun des deux assaillants ne semblait prendre le dessus. Juste avant l'assaut final, les adversaires s'arrêtent et Oscar regarda longuement le visage du comte. Elle y voyait non seulement la passion du combat lui dévorer les yeux, mais aussi un autre éclat qui perçait sous le vernis de l'officier. Quel était ce feu soudain qui le consumait ? se demanda-t-elle.

     Girodel, à peine essoufflé par les précédents assauts relança les hostilités. Il s'élança violemment vers son supérieur qui eut beaucoup de mal à parer son coup. Les deux épées restèrent croisées, tendues à l'extrême… aucun des deux combattants ne voulait céder. Soudain, Girodel se baissa et tendit sa main libre vers la chevelure d'Oscar. Celle-ci resta interdite face à ce geste inhabituel, son bras faiblit. Profitant de cet instant de relâchement, Victor Clément la désarma habilement et attira son adversaire tout contre lui.

     Les yeux d'Oscar lançaient des étincelles, elle enrageait d'avoir perdu face à Girodel. Elle ne comprenait pas non plus son dernier geste, voulait-il l'humilier comme elle l'avait fait auparavant par la parole ?

     Girodel ne laissa pas à Oscar le temps de réagir et profita de l'effet de surprise provoqué par son geste en la serrant plus fort et en l'embrassant fougueusement. Ceci eut pour effet de mettre la jeune femme hors d'elle-même. Elle repoussa l'officier et le gifla violemment.

 -"Girodel, mais qu'est-ce qui vous prend ? Vous êtes fou !

 - Maintenant, Mademoiselle Oscar, vous allez m'écouter. Cela fait trop longtemps que je joue cette comédie, il faut que vous sachiez la vérité... J'en ai assez de toujours vous laisser gagner. En fait, le duel que nous avons eu pour la place de capitaine des gardes était truqué …

 - Comment !!!

 - Oui, j'ai obéi aux vœux de nos deux parents. Sachez, ma chère, qu'ils ont conclu un accord : je vous laisse devenir capitaine et, en échange, vous serez ma promise à votre majorité…"

     Pour une fois, Oscar ne trouva plus ses mots. Sa vue se brouilla, toutes ses certitudes s'envolèrent, son monde basculait soudain…

     "Mon dieu, pensa-t-elle, ainsi mon père m'a vendue. Pour sauver l'honneur des Jarjayes, il a truqué ma carrière militaire… Cela veut dire qu'il n'a aucune confiance en mes capacités… Toutes ces années d'entraînements, tout ce temps passé à m'éduquer comme un garçon, tout cela a été fait en pure perte ! … Et maintenant que le mal est fait, il faudrait que je renonce à ma liberté pour redevenir une femme ! Il n'en est pas question !!! "

     Le sang d'Oscar ne fit qu'un tour. Sa décision était prise… Elle laissa sortir un rire cristallin.

 - "Mon pauvre Girodel, vous avez cru à toutes ces sornettes, voyons… Je crois pourtant que vous me connaissiez mieux que cela ! Si c'est une femme que vous voulez, il me semble que la cour en est remplie... En face de vous, il n'y a que votre supérieur qui attend des excuses pour votre comportement outrancier !!! , lança Oscar.

 - Voyons Oscar, rangez-vous du côté de la raison. Dès demain votre père vous annoncera les nouvelles de nos fiancail…

 - Assez Girodel ! Plus un mot ! Je veux bien oublier ce qui c'est passé ici à condition de ne plus entendre ces sornettes. Maintenant, laissez votre capitaine et allez chercher une femme ailleurs ! ", répliqua Oscar en tournant le dos au jeune homme.

     Elle se mit en selle et se tourna une dernière fois vers Girodel avant de partir au galop.

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