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     C'était le 24 décembre 1776, la veille des 21 ans d'Oscar. Elle avait passé la matinée derrière Marie Antoinette pendant que celle-ci recevait les dames de la cour. Les unes après les autres, elles venaient parler avec la souveraine. Le plus souvent, elles évoquaient les problèmes financiers de leurs maris ou quémandaient de nouvelles fonctions pour lui. Oscar en avait fini par attraper la nausée. Elle remerciait silencieusement son père d'avoir fait d'elle ce qu'elle était, un homme, le colonel des gardes de la reine. Elle pensa alors à ce qu'aurait été sa vie : elle aurait probablement été mariée à 16 ou 18 ans à un jeune noble, elle en serait déjà à son deuxième enfant, elle serait en face de la reine à jouer les courtisanes comme ces dizaines de femmes …

     Elle secoua la tête. Décidément, les choses sont bien mieux ainsi. "Je mène une vie où je suis libre de mes mouvements, je peux chevaucher des heures durant sans rendre de comptes à personne…"

     La reine mit soudain fin aux entretiens quotidiens d'un air las. Toutes les formalités de la cour lui semblaient de plus en plus pesantes… Et les apparitions de Fersen qui se faisaient de plus en plus rares. C'est décidé, elle voulait à tout prix se changer les idées.

     Il faisait beau, d'une douceur assez inhabituelle pour un mois de décembre. Le jardin de Versailles semblait plongé dans un sommeil que rien ne pourrait éveiller. A côté d'une fontaine, Marie-Antoinette écoutait les yeux fermés un récital de violon. La musique semblait la porter loin de paris, loin de ses responsabilités de reine, loin de la France.

     Elle n'avait convié à ce concert improvisé que très peu d'élus. Les couloirs du château ne s'en remettaient pas et bon nombre de nobles appréciaient nettement moins les caprices de l'Autrichienne depuis qu'elle n'était plus dauphine mais reine de France. Trois gardes royaux se tenaient fièrement assis sur leur destrier, immobiles, le regard fixé sur leur souveraine. Légèrement en retrait, le colonel regardait le ciel, un sourire triste aux lèvres.

     " Oh, ma reine ! Comme votre charge vous semble de plus en plus pénible chaque jour ! Si seulement vous pouviez arriver à masquer davantage vos émotions. Votre visage reflète tellement vos pensées… vos sentiments pour Fersen… votre ennui quand il n'est pas à la cour… Mais, de grâce, essayez de maîtriser votre aversion pour les courtisans, j'ai peur que cela ne se retourne un jour contre vous…"

    Oscar contempla alors celle qu'elle avait jurée de protéger. Marie-Antoinette croisa alors son regard et lui adressa un sourire. Puis, d'un geste de la main, elle congédia musiciens et fidèles pour rester seule avec le capitaine.

 - " Oscar, mon ami, comme la complainte de ces violons étaient tristes.

 -   Oui, ma reine, répondit la jeune femme.

 -   Capitaine, j'aurais un très grand service à vous demander, mais avant cela, pouvez-vous jurer qu'aucunes des paroles que je prononcerai ne seront répétées.

 -   Vous savez très bien que vous pouvez compter sur ma discrétion et que vous pouvez tout me demander, s'empressa de déclarer Oscar.

 -   Bien, voyez-vous, Oscar, j'étouffe de plus en plus à Versailles et je ne supporte plus cette cour hypocrite. Je rêve, je désire plus que tout m'accorder une trêve, un répit…  Je vous implore, Oscar, emmenez-moi ailleurs, loin d'ici, juste pour une journée…

 -   Mais, c'est impossible ma reine, coupa le capitaine.

 -   Partons Oscar, je simulerai une faiblesse quelconque qui me fera garder le lit. Pendant ce temps-là, nous partirons ensemble et pour une journée, je ne serai plus Marie-Antoinette, reine de France. Je voudrai tant connaître cela, je vous en prie, personne ne me reconnaîtra !

 -   C'est trop dangereux, et s'il vous arrivait malheur !!

 -   Vous serez là pour me protéger comme vous l'avez toujours fait et puis… peut-être… pourrions-nous demander à M. de Fersen de nous accompagner…

 -   Je ne sais quoi vous répondre, ma reine. Il faut que je réfléchisse…

 -   Venez demain m'apporter votre décision, mais, de grâce, acceptez ! Je vous le conjure, au nom de votre amitié !"

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