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      Une fois les lieux de rendez-vous choisis, Yoriko passa la fin de la matinée à appeler les suspects et répéta 4 fois les mêmes phrases, en changeant uniquement l'adresse du lieu de rendez-vous…(je vous fais grâce des trois premières ^_^)

 - "Allo Masamu, c'est Yoriko à l'appareil…

 - Yoriko, mais où donc es-tu passée ? Cette vielle fouine d'Imada est en train de remuer ciel et terre pour te retrouver !!! En plus, le procès Yamura a lieu dans deux jours et…

 - Bon, et bien je vois que tu es ravi de m'entendre à nouveau ! , coupa la jeune femme.

 - C'est pas ça…, excuse-moi Yoriko, dit le jeune homme d'un ton embarrassé, mais j'étais tellement inquiet qu'il te soit arrivé quelque chose … Est-ce que tu vas bien ?

 - Je suis encore en vie pour l'instant, mais le clan Yamura tente l'impossible pour m'éliminer et c'est pour ça que je vais avoir besoin de ton aide.

 - Vas-y, je t'écoute !

 - J'en ai assez de me terrer comme un rat, fuir de cache en cache et… j'ai envie de te revoir…, murmura Yoriko.

 - OK, OK, dis-moi seulement où et quand et j'y serai, tu as ma parole !

 - Demain matin à 11 heures au-dessus du Karaoke "ongaku ga suki" à Ikebokuro…

 - Compte sur moi ! ", coupa Masamu qui allait raccrocher quand il s'arrêta pour ajouter un dernier mot, plein de douceurs, qui rosit les joues de sa coéquipière.

      Alors qu'elle raccrochait le combiné, elle aperçut le léger sourire que lui lançait Ryô : elle n'avait pas vraiment conservé le souvenir d'un sourire aussi franc, désintéressé, terriblement humain sur les lèvres de son ancien amour. Il avait bien change depuis ces 8 ans et il faut bien avouer qu'elle aimait beaucoup l'homme qu'il était devenu.

      Bizarrement, ce sourire raviva la petite flamme qu'elle conservait précieusement au plus profond de son cœur. Elle subit alors de plein fouet un terrible cas de conscience : était-il possible qu'elle puisse être amoureuse de 2 personnes à la fois ? Pourtant, elle avait bien cru que c'était de l'histoire ancienne avec Ryô et la première fois qu'elle l'avait revu, cela ne lui avait fait ni chaud ni froid. Elle était heureuse avec Masamu qui l'aimait énormément, avec qui elle partageait ses pensées les plus intimes, ses doutes, ses craintes, ses nuits…

      Mais elle ne pouvait empêcher le sentiment qu'elle croyait mort et enterré de revenir à la surface lui pincer le cœur. Et quand Ryô posa d'un geste anodin sa main sur son l'épaule de la policière pour lui donner du courage, elle sentit un frisson lui parcourir le cou. Elle regardait cette main, fugacement posée et vite repartie dans la poche du pantalon de Ryô, et s'imposa alors en elle la vision de cette même main qui la parcourait fiévreusement en enlevant tout vêtement gênant 8 ans auparavant.

      Sentant intuitivement un changement chez Yoriko et fidèle à son habitude, Ryô détourna l'attention en grognant :

 - "Bon, et bien puisqu'il n'y a plus qu'à attendre le rendez-vous de demain, je crois qu'un peu de détente s'impose ! Dis-moi Yoriko, tu ne pourrais pas aller me chercher discrètement des magazines "relaxants et instructifs" dans ma chambre…. sous mon lit…

 - Mais tu n'as qu'à y aller toi-même espèce de fainéant !, répliqua-t-elle.

 - Euh, c'est que j'ai encore du mal à me pencher et il vaut mieux laisser les blessures se refermer efficacement.

 - D'accord, j'ai compris …"

      En haussant les épaules, la policière gravit les marches et entra dans l'antre du nettoyeur. Elle se dirigea directement vers le lit car elle voulait sortir au plus vite de cette chambre. C'était comme si chaque objet présent était une invitation aux souvenirs, même les babioles qu'elle n'avait pas connues. Il était hors de question qu'elle se laisse aller à un état mélancolique doucereux car il est certaines zones de l'esprit qu'il vaut mieux éviter d'emprunter le chemin, même pour quelques minutes…

      Elle plongea la main sous le lit et en tira plusieurs magazines poussiéreux, froissés et cornés. Elle décida de les regrouper en une pile compacte lorsque une photo s'échappa du lot pour atterrir sur les chaussons de Yoriko. Elle laissa de côté les revues pour regarder de plus près la jeune femme souriante qui ouvrait ses cadeaux.

     En quelques secondes, Yoriko comprit d'où venait le changement qu'elle avait remarqué chez Ryô : jamais il ne l'avait regardée aussi passionnément et intensément. La photographie avait capturé fidèlement toute l'émotion, tous les sentiments que le nettoyeur ressentait pour Kaori, pour sa Kaori. Ainsi donc il était amoureux … et elle n'était pas l'heureuse élue.

      Malgré tous ses efforts, elle n'avait pas réussi à le chasser de sa mémoire. Elle avait plus de cent fois rêvé de son ancien amour, le découvrant sous un angle plus humain et tendre, quittant sa carapace de nettoyeur cynique, de joli cœur, de piètre dragueur pour venir la rejoindre à l'autre bout du Japon afin d'effacer les paroles amères qu'ils s'étaient échangées sur le quai de la gare. Au plus profond de son cœur, elle continuait d'espérer qu'il ne l'avait pas oubliée, qu'il pensait encore un peu à elle … Tout s'écroulait face à cette photo …

      Cette Kaori, qui ne lui était pas antipathique, connaissait à présent le bonheur qu'il lui avait refusé 8 ans auparavant ! Elle ressentit cette constatation comme un coup de poignard porté en lien cœur. La jalousie et le dépit commençaient à envahir son esprit. Elle se sentait un peu ridicule de s'accrocher ainsi à un homme qui vraisemblablement ne pensait plus à elle (et avait-il seulement un jour éprouvé de l'amour ou de la tendresse pour elle ?). Alors qu'elle pensait avoir trouvé son équilibre, voilà qu'une simple photo arrive à la faire basculer vers une Yoriko blessée dans son amour propre et revancharde.

      "Puisqu'il ne sera jamais à moi, autant prévenir Kaori des risques qu'elle encourt en fréquentant cet homme au cœur de pierre. D'après ce que j'ai compris, elle ne connaît pas la relation qui nous a unis auparavant … il ne me reste plus qu'à l'avertir", ruminait la policière

      Elle pénétra dans la chambre de sa rivale, bien déterminée à lui révéler SA vérité. La jalousie lui avait fait perdre tout discernement et transformait dangereusement la réalité des faits.

 - "Kaori, je suis venue m'excuser parce que … ", Yoriko hésitait car une fois lancée, elle savait qu'il lui serait difficile de faire machine arrière, " … parce que ni moi, ni Saeko n'avons été honnêtes envers toi.

 - …, Kaori ne sut quoi répondre et laissa la policière poursuivre ses explications.

 - Voilà, en fait, cela fait longtemps que je connais Ryô … Je l'ai rencontré il y a environ huit ans alors que je n'étais qu'un simple agent et …

 - Et ? ", Kaori écoutait en feignant le détachement mais chaque mot de Yoriko la touchait directement en plein cœur.

 - Et on peut même ajouter que nous avons été lui et moi plus que des amis, ajouta Yoriko en guettant la moindre réaction de la femme qui avait conquis le cœur de Ryô.

 - … " , Kaori encaissait en serrant rageusement les poings. Ainsi donc, elle avait vu juste !

 - "Il m'a poursuivi de ses ardeurs jusqu'à ce que je lui cède, il m'a séduite, il m'a promis monts et merveilles … Il avait juré de faire de moi son associée et pas seulement pour le travail ! Finalement, il m'a brisé le cœur quand il s'est rétracté et m'a rejetée … Si je te dis ça maintenant, c'est pour t'avertir que c'est un homme abject, instable, sur lequel on ne peut pas compter, qui joue avec les sentiments et qui ne tient pas ses engagements ! Je ne veux pas que tu subisses à ton tour ce qu'il m'a fait endurer !"

      Les yeux de Kaori devinrent fixes et inexpressifs. Elle avança comme un automate vers la porte. Les paroles de Yoriko tournaient en boucle dans sa tête et lui embrouillaient totalement l'esprit. Elle se réfugia alors machinalement sur le toit pour tenter de digérer ces nouvelles révélations.

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