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      Ryô gémissait durant son inconscience et les sons qu'il produisait n'étaient guère intelligibles. Kaori tenait fermement sa main serrée dans la sienne et se contentait de ne pas le quitter des yeux. C'était comme si elle essayait de lui faire passer toute sa force, sa volonté, sa détermination à survivre à travers ce contact.

      Yoriko se tenait assise, légèrement en retrait, juste derrière Kaori. Elle serrait les poings en pensant qu'elle n'aurait jamais du faire appel à Ryô et régler seule le problème de sa sécurité !

     Au bout d'une dizaine de minutes (qui parurent une éternité pour les deux jeunes femmes), Ryô commença à manifester des signes de son réveil imminent. Il se mit à agripper la main de sa partenaire et ouvrit lentement les yeux. Il avait d'énormes difficultés à reconnaître la silhouette diaphane qui se tenait à côté de lui. Il plissa les yeux dans l'espoir d'améliorer sa vision et crut enfin reconnaître la jeune femme. Complètement submergé par le flux de ses souvenirs, Ryô murmura : "Yoriko, c'est bien toi ? Finissons donc ce que nous avons commencé…"

     Et il joignit le geste à la parole en remontant sa main le long du bras de Kaori pour palper généreusement sa poitrine. Puis il se dressa pour enserrer totalement la jeune femme, ignorant les douleurs qui cuisaient son dos. Une massue se matérialisa soudain entre les mains de Kaori qui, sans réfléchir sur l'état de Ryô, l'abattit violemment sur sa tête, lui faisant embrasser de force le parquet !

     Puis, elle se retourna brusquement vers la policière. S'en était vraiment trop, il fallait qu'elle sache ce qu'il y avait entre eux deux ! Elle luttait pour ne pas succomber à la colère, mais son regard noir trahissait son état. Yoriko baissa la tête pour ne plus faire face à la jeune femme (c'est vrai qu'elle fait peur quand elle est comme ça ! ^_^). Kaori hésita un moment sur la conduite qu'elle devait adopter et, sa timidité naturelle remontant à la surface, choisit la fuite plutôt que l'affrontement.

     Elle lâcha son engin de prédilection et sortit précipitamment de la pièce en claquant la porte pour se réfugier dans sa chambre. Là, elle attrapa la poupée de chiffon à l'effigie de Ryô et commença à lui infliger toutes sortes de tortures physiques tout en laissant échapper sa colère. Finalement, elle finit par reporter ses remontrances sur son propre comportement, pourquoi avait-elle tant de mal à réagir au bon moment, tant de mal à laisser parler librement son cœur et pourquoi Ryô était-il aussi énervant !!

     Ryô tentait de se remettre sur son lit en grimaçant et en essayant de se donner une contenance face à Yoriko qui hésitait entre rire de sa mine déconfite ou le plaindre sincèrement… Elle choisit la première solution, ce qui eut pour effet de faire sourire Ryô qui se passa piteusement la main dans ses cheveux.

 - "Tu vois un peu quel enfer je subis quotidiennement ! , se plaignit-il en maugréant sur sa partenaire.

 - Alors, dans ce cas, pourquoi restes-tu avec elle ? Tu n'as qu'à la laisser tomber comme tu l'as fait pour m…."

     Yoriko ne put finir sa phrase, le denier mot fatidique restant bloqué au fond de sa gorge. Elle baissa les yeux et se leva lentement.

 - "Laissons tomber cela pour l'instant, tu veux ? Ce n'est ni l'endroit, ni le moment pour se laisser distraire par de vieux souvenirs, coupa Yoriko. Je te signale qu'il ne reste plus que 3 jours avant le début du procès !!! Et tant que cette satanée taupe ne sera pas découverte, je continuerai à être potentiellement en danger…. Et vous aussi…

 - Tu as raison, il va falloir que l'on passe à l'attaque. J'en ai marre de servir de cible !! Je préfère de loin être le chasseur que le gibier", grommela Ryô d'un air mauvais, en tentant de quitter son lit.

     Tant bien que mal, il réussit à tenir debout (ce Ryô, quel homme !!!) et demanda l'aide de la jeune femme pour enfiler une chemise. Le moindre mouvement brusque de ses épaules lui provoquait une douleur aiguë lui rappelant que ses blessures n'étaient pas encore cicatrisées. Il arriva quand même à se boutonner et se dirigea vers la porte de sa chambre quand le léger cri de surprise de Yoriko le stoppa net. Il se retourna vers la jeune femme d'un air intrigué et elle lui désigna son dos pour toute réponse : sa chemise était maculée d'un rouge sombre. Malgré toutes ses nombreuses capacités physiques (et dieu sait qu'il en a …), le nettoyeur numéro un du Japon n'était pas un surhomme ! Il haussa les épaules et lui fit signe de le rejoindre en bas pour préparer un "plan de bataille".

     Très vite rejoins par Kaori qui les avaient entendus descendre et qui ravalait tant bien que mal sa colère, les jeunes gens s'installèrent autours de la table du salon.

 - "Bon, récapitula Ryô, nous savons que tu as du quitter précipitamment l'organisation Yamura car quelqu'un leur a révélé de ta véritable identité.

 - Et je suis sortie de justesse de ce guet-apens !

 - Donc il faut mettre un terme aux agissements de ce flic véreux ainsi qu'à cette satanée organisation qui confond notre appartement avec les rues de Bagdad! , grogna Kaori.

 - Yoriko, as-tu un début de piste ? , coupa Ryô.

 - Qu'est-ce que tu crois ! Ca fait des jours que je tourne et retourne cette question dans ma tête… Maintenant, il ne reste plus sur ma liste que quatre hommes susceptibles d'avoir pu me trahir : le préfet de police Nogami, mon supérieur hiérarchique Imada, mon collègue Takao Kubo qui devait infiltrer l'organisation concurrente et … Masamu …

 - Qui est-ce ? , souffla doucement Kaori qui sentait que ce prénom comptait énormément pour la policière.

 - Mon coéquipier, Masamu Kuroda … J'ai une totale confiance en lui ! Il m'a sauvé la mise plus d'une fois et réciproquement … mais

 - Mais lui seul avait entièrement accès à tous tes fichiers puisque vous partagez vos bureaux, donc il y a une possibilité que ce soit lui la taupe", conclut Ryô.

     Yoriko détourna ses yeux du regard déterminé du nettoyeur, prit une profonde inspiration sensée chasser tous les doutes de son esprit et reprit :

 - "Il n'y a pas trente-six solutions pour découvrir le traître : il faut lui tendre un piège pour le forcer à le démasquer.

 - Tu as bien quatre types…. hum… Ça y est on le tient !!!, cria Kaori en frappant ses deux mains contre la table et en se levant brusquement.

     Un corbeau passa de Ryô à Yoriko à la vitesse d'un supersonique, complètement affolé par la réaction brutale de Kaori.

 - "Tu te souviens Ryô qu'hier soir je suis allée au ciné d'art et d'essai de Shibuya avec Erico et j'y ai vu un film policier français où les héros se trouvaient exactement dans la même situation que nous !!!

 - Continue Kaori …, dit Ryô dont l'œil brillait d'une certaine fierté face à sa partenaire pleine de ressource.

 - Eh bien ils ont donné rendez-vous, à la même heure, dans un endroit différent, à chacun des suspects pour qu'ils les aident à se cacher de la police. Puis ils se sont installés au beau milieu d'une place centrale d'où partaient les quatre rues où les hommes avaient été conviés. Il ne restait plus qu'à voir à quelle adresse la police était venue les cueillir.

 - Brillant ! , s'enthousiasma Yoriko. Kaori, je crois que les heures de ce sale type sont comptées ! Au fait, est-ce que ce plan a marché dans ton film ?

 - Euh ! C'est qu'en fait les quatre suspects étaient tous coupables !!!", conclut Kaori en se grattant la tête, gênée par cette triste conclusion.

     Yoriko et Ryô tombèrent bruyamment de leur chaise et croulèrent sous une pluie de libellules.

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